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La Liberté

Photos : Julien Chavaillaz
Textes : Aurélie Lebreau

Publié le 9 septembre 2011
Temps de lecture estimé : 3 minutes

Jean-Maurice Chappalley (à gauche), ici accompagné de Patrick Rossier, a pris des photos un an après le passage de Lothar. Au même endroit, maintenant, diverses essences se développent avec vigueur. C’est la régénération naturelle.

La forêt se régénère très bien, merci

Après Lothar • L’Association forestière gruérienne organise samedi matin une visite de forêts dévastées par Lothar. Près de 12 ans après l’ouragan et grâce à une excellente sylviculture, la diversité des essences est grande.

AURÉLIE LEBREAU

De l’épicéa, du sapin, du hêtre, du frêne, de l’érable plane, du cerisier, du chêne, de l’alisier blanc, du sorbier… et même de l’orme! En contrebas d’un chemin forestier du triage de la Jogne, toutes ces essences d’arbres s’épanouissent, splendides, sous un soleil radieux. Une telle diversité fait plaisir à voir, d’autant plus que ce secteur a été totalement dévasté par l’ouragan Lothar, à la fin 1999. Pour montrer la force de régénération de la forêt, l’Association forestière gruérienne organise ce samedi matin une visite ouverte à tous dans une forêt de la Jogne. «La Liberté» s’y est déjà rendue avec le garde-forestier Jean-Maurice Chappalley et l’ingénieur forestier du Service des forêts et de la faune (SFF), Patrick Rossier.

«Avant Lothar, ici, il n’y avait que des épicéas du même âge. Ce qui signifie qu’il n’y avait qu’une essence d’arbres et un seul étage. Cette portion de forêt était donc nettement moins solide que s’il y avait eu plusieurs essences et plusieurs niveaux d’arbres», des petits, des jeunes et des arbres adultes, explique Jean-Maurice Chappalley. Forestier dans cette zone depuis 30 ans, le Charmeysan connaît chaque tronc, chaque couronne.

«Sur mon triage, Lothar a fait tomber 40 000 m 3 de bois. Puis nous avons dû en abattre 60 000 m 2 en plus, car atteints par le bostryche, cela entre les années 2000 à 2005. Heureusement, les communes ont été attentives. Et il a fallu beaucoup d’énergie de la part des forestiers, des entreprises forestières et des politiques pour s’en sortir», souligne-t-il.

A voir les très beaux troncs qui poussent aujourd’hui, on se dit qu’un mal a généré un bien quand on observe la diversité des essences qui ont repoussé. Jean-Maurice Chappalley précise: «Toutes ces essences sont venues d’elles-mêmes, nous n’avons rien planté, d’ailleurs ça n’aurait pas été possible après Lothar. Nous n’aurions eu ni les bras, ni les ressources financières pour cela.» On parle donc ici de régénération naturelle.

Une échelle de 100 ans

«Notre métier, c’est d’observer les essences qui sortent, aider les plus rares à grandir. La sylviculture, c’est ça! Ici, nous sommes dans une proportion de 30 à 40% de résineux, le reste, c’est du feuillu», détaille le garde-forestier. «La forêt fait 80% du travail seule. Pour le 20% restant, il s’agit d’intervenir au bon moment», complète Patrick Rossier.

Et le bon moment peut devenir une très vague notion, quand on sait que le garde-forestier travaille sur une échelle de 100 ans. Les coupes qu’il décide de faire, les jeunes arbres qu’il choisit de protéger, il n’en verra quasiment jamais le résultat final. Est-ce une frustration? «Pas du tout! Nous transmettons quelque chose, voilà mon optique. C’est une question d’état d’esprit. Un trader ne pourrait pas être garde-forestier», analyse, sourire en coin, Jean-Maurice Chappalley.

Quelques sentiers et deux magnifiques chevreuils plus tard, une clairière s’ouvre, pleine de ronces. «Là, il ne s’agit pas de Lothar. J’ai décidé d’ouvrir cette surface pour l’exploitation. Mais j’ai enlevé trop d’arbres. Et grâce à la lumière, les ronces ont tout envahi avant que de nouveaux petits arbres n’aient le temps de pousser, décrit le garde-forestier. Heureusement, des frênes ont réussi à percer et à terme, ils feront crever les ronces avec l’ombre de leurs branches», prédit-il, visiblement contrarié par la situation actuelle.

En cette année internationale de la forêt, déclarée par l’Organisation des Nations Unies, la démarche de l’Association forestière gruérienne – qui comprend les communes, les propriétaires privés et le SFF – tombe à pic. Et avec des guides aussi passionnés que les gardes-forestiers, c’est un régal.